Lisez bien mon histoire. C'est important.
Mais ne croyez pas que je sois folle.
C'est la pure et bien pénible vérité.
Tout commença quand j'étais encore une gamine.
Mon père racontait souvent de drôles d'histoires à propos de la forêt communale.
Ma mère le disputait bien souvent,
je ne comprenais pas, je croyais que c'était un conte.
Mon père disait que dans la forêt
vivait une très grosse bête qui adorait la viande crue.
Si bien que lorsque son garde-manger était vide,
elle dévorait toutes les pauvres personnes qui restaient seules dans la forêt.
Je n'étais pas trop effrayée, je dirais même que cette histoire me fascinait...
Quand j'eus 10 ans, en 1976, une de mes amies a disparu.
On m'a raconté qu'elle était tombée malade et qu'elle était morte à cause de sa maladie.



Je sais que c'était un mensonge...
En 1983, des amis à mon père sont partis à la chasse.
Sur dix, sept sont revenus. Ils auraient été victimes de balles perdues...
Plusieurs autres disparitions similaires avaient eu lieu.
Le nombre de décès dans la région était fort élevé.
A 20 ans, j'ai trouvé un chouette boulot de secrétaire dans la ville d'à côté.
Mes parents sont morts de vieillesse, de crise cardiaque.
Mon père en 1989 et ma mère en 1991. J'avais gardé la maison.
Souvent, je traversais la forêt.
Et plusieurs fois je crus que j'hallucinais lorsque dans l'ombre des bois
J'apercevais des mouvements furtifs.
En 1992, je sus que mon père cherchait plutôt à me prévenir avec son histoire.
Je rentrais chez moi ce soir là, par la forêt.
Il faisait encore clair en ce mois de mai.
Je n'étais pas très pressée, il faisait bon.
Je faisais donc tranquillement mon trajet quand je vis une chose difforme et
rouge sur le bas-côté.
Je pris tout d'abord cette masse pour un sac jeté là
par une personne qui voulait tout simplement s'en débarrasser.



Mais moi qui suis d'un naturel curieux,
j'arrêtai ma voiture deux cent mètres plus loin
et en sortis pour aller jeter un coup d'œil.
On ne sait jamais, peut-être y a-t-il quelque chose d'intéressant ?
Plus je m'approchais et plus une odeur forte me montait à la tête.
Et cette chose ressemblait de plus en plus à un homme.
Quand je compris que c'était vraiment un homme
ou plutôt ce qui restait d'un homme,
je me retournai et vomis tout mon déjeuner, mon dîner et je ne sais quoi encore.
C'était atroce, horrible, inimaginable.
Il ne restait de l'homme que la tête, le torse et une partie de tripes dégoulinantes.
Tout le reste avait dû être arraché. C'était un bain de sang.



Je retournais vers ma voiture et m'essuyais la bouche avec des kleenex qui traînaient dedans.
Je fis demi tour pour me rendre au commissariat de la ville où je travaille.
Ces imbéciles ne m'ont pas tout d'abord pas crue.
Ils m'ont traité de folle et m'ont conseillé de ne pas trop resté au soleil.
Quand je me suis mise à pleurer ils ont bien voulu me suivre jusqu'à l'endroit où j'avais vu "l'homme".
Mais il ne restait qu'une flaque de sang que les flics ont associé à une bête saignée
par un braconnier. Je suis rentrée chez moi, je ne savais plus si j'étais vraiment devenue folle.
Je faisais des cauchemars atroces.
Je me remettais de cette histoire lorsque un an plus tard,
j'aperçus une masse rouge sur le bas côté.
Je ne cherchai pas à comprendre, j'ai appuyé sur l'accélérateur et une fois chez moi,
j'entrepris d'écrire cette lettre.



Heilig Sophie